Auteur : Eric Gallais 20 Février 2015
La pression osmotique
On en parle souvent à propos des bateaux dits « chimiques » comme une forme de pathologie dont ils seraient potentiellement atteints et qui dans les cas les plus graves pourrait les condamner à disparaître.
L’osmose est un phénomène physico-chimique que l’on peut observer lorsqu’une membrane semi-perméable sépare 2 milieux liquides (solvant) dans lesquels on a des concentrations de molécules en solution (soluté), différentes de chaque coté de la membrane : le liquide constituant la solution passe du coté le moins concentré vers le plus concentré de telle sorte que les concentrations ont tendance à s’égaliser.
La membrane est dite semi-perméable dans le sens où elle permet le passage des petites molécules de la solution et bloque la migration des grosses molécules du soluté.
L’expression de la pression osmotique s’écrit :
π = C R T avec R constant universelle des gaz parfaits, K la température en ° kelvin, et C la concentration molaire. π est une pression et s’exprime donc en pascal ou en N / m2
Si on fait une petite expérience dans un récipient coupé en deux par une membrane semi-perméable, en mettant des solutions de concentrations différentes de chaque coté, il apparait un dénivelé correspondant à une pression osmotique :
π = ρ g h avec ρ, masse volumique du liquide, g, accélération de la pesanteur, h, dénivelé.
C’est un phénomène que nous côtoyons constamment puisque les cellules biologiques, et en particulier celles de notre corps, subissent cette loi.
Qu’en est-il du point de vue des bateaux en résine polyester ?
La structure des coques en polyester présente quelques analogies avec le béton armé :
Il y a une âme faite d’une armature de tissu de fibre de verre enrobée d’un liant qui est précisément les polymères que l’on appelle résine polyester. Cette structure composite a un défaut elle n’aime pas l’eau. C’est une des raisons d’être de la peau extérieur qui recouvre l’âme : le « gelcoat ». Cet autre composé chimique peut assurer la fonction coloration de la coque, le polissage pour une meilleure glisse, etc.
Cette peau extérieure a une épaisseur de quelques centaines de µ.
Que ce passe-t-il lorsqu’une coque est atteinte de dégradation par suite de l’ « osmose » ?
Une des manifestations visibles est l’apparition de cloques dans la pellicule de gelcoat.
- le premier phénomène est le passage de l’humidité à travers la couche théoriquement imperméable de gelcoat. C’est une déficience de la peau extérieure qui est devenue perméable à l’eau au lieu d’être étanche.
- Cette humidité réagit avec les éléments qui composent l’âme du composite : c’est une réaction d’hydrolyse. Il en résulte l’apparition d’éléments chimiques qui en se dissolvant dans l’eau infiltrée peuvent constituer une solution très concentrée à l’intérieur de la membrane semi-perméable que constitue le gelcoat. De l’autre coté de la membrane : l’eau de mer (ou l’eau douce).
- C’est là que s’initialise le phénomène d’osmose, c’est-à-dire le passage de l’eau de mer à travers le gelcoat pour diluer la solution concentrée, entrainant l’apparition de cloques.
- Si les choses en restaient là, il suffirait de décaper la couche de gelcoat, sécher la coque et refaire une couche de gelcoat « propre ». Le problème vient de ce que le phénomène d’hydrolyse est destructeur de l’âme elle-même : décomposition de la résine, décollement des fibres, délaminage…
Il faut donc prendre cette question au sérieux dès l’apparition de cloques, bulles ou autres défauts d’aspect du gelcoat, pour éviter de se retrouver dans ce dernier cas qui peut conduire à des réparations très couteuses.