Auteur : Eric Gallais Le 25 Janvier 2015
Ces objets familiers de la vie marinière ont tous une fonction commune : obturer une voie d’eau de façon temporaire.
Les pinoches :
L’armement d’un bateau comprend règlementairement un jeu de pinoches, chevilles en bois coniques de dimensions variées. On peut à l’aide d’un marteau et d’une pinoche obturer par exemple le trou laissé par un rivet perdu.
Nous avons eu connaissance d’une péniche qui a flotté des années durant grâce à un crayon enfoncé dans un trou de sondage que le chantier avait oublié de reboucher. C’était du temps où le sondage s’effectuait par perçage de la tôle et mesure de l’épaisseur à l’aide d’un pied à coulisse conçu spécifiquement pour cet usage, les sondeurs par ultrasons n’existant pas encore.
Le batardeau :
Le batardeau est un emplâtre en ciment prompt, coulé de l’intérieur de la coque, sur une fissure apparue dans la coque. Les choses ne sont pas aussi simples à réaliser qu’à énoncer. Un flux d’eau coulant constamment empêche en effet le ciment rapide de prendre et il faut donc passer par une première étape qui consiste à colmater grosso modo la fuite.
Traditionnellement les mariniers conservaient précieusement à bord un morceau de couenne de porc dont la structure, peau très résistante et couche de gras, en fait un accessoire très efficace pour colmater une fissure. Il faudra le disposer au-dessus de la fissure et le tenir en position par un jeu de cales et de planchettes coincée entre les varangues ou les membrures. Le flux d’eau étant ainsi réduit, voire supprimé, il est possible de noyer complètement ce premier dispositif dans une enveloppe de ciment prompt.
Nous avons eu recours dans le passé par 2 fois à ce procédé.
Une première fois pour colmater une voie d’eau d’environ 1cm de large sur 1m de longueur, le long d’un bouchain. N’ayant pas de couenne de porc à disposition à ce moment, c’est un chiffon plongé dans un seau de graisse qui l’a remplacé. Compte-tenu de l’importance de la voie d’eau, il a fallu environ 70kg de ciment prompt pour en arriver à bout. La réparation a tenu plusieurs années avant que le bateau ne sorte en chantier.
Dans l’autre cas, la voie d’eau est apparue suite à un grattage énergique du fond du bateau. Une plaque de rouille est partie. C’est elle qui faisait localement étanchéité. Une pinoche en bois, assez grosse, plantée dans le trou a permis de bloquer le flux aqueux et de couler tranquillement un bon pâté de ciment prompt par-dessus.
La bâche :
La bâche également prévue dans l’armement du bateau sert à limiter une entrée d’eau dans le cas d’une déchirure plus importante. Elle doit être mise en place au droit de l’entrée d’eau, à l’extérieur de la coque.
Pour notre part nous n’avons jamais eu dans le passé, le besoin d’utiliser ce dispositif. On peut cependant imaginer une telle éventualité et s’y préparer à l’avance pour essayer de ne pas être pris au dépourvu au cas où …
Bâche en toile PVC, 4mx2m, dimension qui nous semble équilibrée : ni trop grande pour rester maniable ni trop petite pour conserver une certaine efficacité.
Un œillet à chaque coin.
Des bouts à chaque oeillet, plombés (si possible) pour faciliter l’introduction sous la coque.
Lors de l’utilisation on tartinera la bâche préalablement, avant de la mettre à l’eau, sur la face qui viendra en contact avec la tôle, avec de la graisse épaisse.
On peut ainsi espérer diminuer le flux d’entrée d’eau pour permettre de trouver un certain équilibre avec une évacuation par une motopompe. Ou même pour avoir le temps de trouver une solution de colmatage provisoire avant sortie en chantier.
Ce procédé sera peut-être le seul possible si du fait des aménagements intérieurs, il n’est pas possible d’intervenir de l’intérieur du bateau.
On peut aussi en tirer la conclusion que, lors de la conception d’un aménagement d’une péniche pour en faire un bateau logement, il y a grand intérêt à prendre en compte l’éventualité d’événements de ce type et de prévoir un plancher et un vaigrage facilement démontables pour pouvoir déterminer sans difficulté la localisation des voies d’eau ainsi que garder la possibilité d’intervenir de l’intérieur pour y remédier.
En post-scriptum, pour le dessert, un petit accessoire pour pallier à la perte d’un rivet sous la flottaison (détruit par la rouille, ou pour toute autre raison) : le rivet plongeur, qui se met en position depuis l’extérieur de la coque après avoir passé, de l’intérieur, par la brèche, une “aiguille” qu’il faut récupérer avec une gaffe ou tout autre moyen.
Lorsque le rivet est amarré à l’aiguille, on la tire de l’intérieur, on récupère la partie filetée à travers le trou et il n’y a plus qu’à le boulonner de l’intérieur.
Comme on peut le constater sur l’image ce rivet a plutôt l’air d’un boulon du fait de la présence d’un filetage, mais sa dénomination traditionnelle est celle de “rivet plongeur”. De plus sa tête bombée est large pour améliorer l’étanchéité et le petit trou en bout de filetage est destiné à accrocher ce qui va servir d’aiguille : fil de fer par exemple.