Auteur : Eric Gallais 21 Janvier 2015
Stationner pour une longue période à un emplacement donné pose des problèmes de différente nature.
Tout d’abord, il faut satisfaire aux exigences administratives : une demande de convention d’occupation temporaire passe par la fourniture d’une « note technique d’amarrage » qui doit prendre en compte « les PHEC (plus hautes eaux connues) et supporter la force du courant » (règlement fixant les conditions d’occupation privative du domaine public fluvial par des bateaux-logement et des bateaux de plaisance à usage privé) réalisée par un expert fluvial.
Pour un emplacement particulier, ces informations, PHEC et force du courant peuvent être obtenues auprès de la subdivision locale de VNF.
La fiche « écoirage » donne une réponse, parmi d’autres, à ces contraintes précisément.
Mais ces critères, les PHEC et la force du courant sont-ils de bons critères ? Sont-ils suffisants pour que la sérénité puisse habiter le propriétaire de bateau ?
Que le bateau puisse monter et descendre avec le niveau de l’eau c’est une évidence. Elle paraît a priori plus facile à satisfaire que pour une construction en dur au bord de la rivière. C’est même dans la nature des bateaux de flotter et donc de suivre les variations du niveau de l’eau.
Dans quelques cas où l’environnement n’est pas favorable, il y a un risque de se retrouver au moment de la décrue avec un bateau posé sur le quai comme on a pu le voir sur un quai parisien il y a quelques années. L’écoirage est une solution à ce problème mais il y en a d’autres : pieux, mouillage,…
Autre situation problématique : un amarrage trop court sans jeu possible au droit d’un bollard ou d’un pieu. Il y a quelques années un bateau avait manqué passer par le fond simplement parce que son propriétaire, parti faire du ski, n’avait laissé aucune possibilité de jeu en cas de crue, que le bateau commençait à giter sérieusement et le niveau de l’eau se rapprochait dangereusement d’une ouverture dans la coque…
Ceci étant, si le dispositif d’amarrage est conçu pour tenir le bateau à distance de la berge et que les amarres ont assez de jeu pour avaler des variations de niveau de l’eau tout va bien. L’idéal est même que le système soit conçu pour que les tensions d’amarrage soient bien réglées quel que soit le niveau de l’eau (voir la fiche écoirage).
Pour la vitesse du courant, dont le maximum n’est généralement pas au moment des PHEC, on doit prendre en compte des considérations locales. Il se peut que l’eau montant, la rivière sorte de son lit en créant une composante traversière de la vitesse du courant.
Lorsqu’on fait les calculs avec ces éléments, on trouve des tensions induites sur les câbles d’amarrage qui sont, en ordre de grandeur, 10 fois plus faibles que les résistances à la rupture des amarres habituellement utilisées.
Donc là encore, si on double les amarrages en temps de crue, il ne devrait pas y avoir de problèmes.
Mais peut-on pour autant dormir sur ses deux oreilles ?
Il y cependant d’autres facteurs, dont certains totalement imprévisibles, qui peuvent venir perturber cette vision administrative du stationnement. C’est ce que montre l’examen d’incidents qui se sont produits dans ce domaine dans un passé récent.
- Le vent : expérience faite, un bateau soumis à un fort vent arrière de 120 km/h (données de la méteo) faisait route, moteur débrayé, à une vitesse d’environ 3 nds. En rivière, au niveau de l’eau, le vent est généralement orienté dans l’axe de la rivière et induit de ce fait, des effets qui accroissent ou diminuent les effets du courant.
- Les mouvements d’eau dus au passage d’un bateau, trains de vagues (batillage) et poussage de l’eau entraînant des courants et contre-courants, qui provoquent des mouvements d’oscillation avant-arrière du bateau lorsque le courant moyen est faible. On a pu constater le sectionnement de 2 bollards sur un 38,5m suite au passage d’un bateau en survitesse par rapport à la vitesse localement autorisée. Une autre fois c’est un câble en acier qui casse. Les coups de butoir lié à cet effet sont redoutables. Un amarrage en double sur des bollards différents donne une certaine sécurité dans ce contexte qui se produit hors période de crue Il faut rechercher également une tension bien contrôlée des amarres (treuil, tirfor…).
- Moins prévisibles : les embâcles de déchets au nez du bateau, un arbre complet qui se met en travers du nez du bateau, une banquise qui se forme par accumulation de glace retenue par le bateau… Les effets produits sur les organes d’amarrage, ovalisation des anneaux, aplatissement des cosses des câbles, autant de preuves de la puissance des éléments auxquels on peut se trouver confronté.
- Encore moins prévisible : suite à un bug informatique qui couche nuitamment les clapets d’un barrage, bateau suspendus à leur amarres, un autre dont le fond est perforé par un pieu en fond de rivière,…
- Un bateau largué par maladresse ou malveillance… Une habitante de l’eau s’est retrouvée à 2h du matin, en hiver, à nager en seine après avoir réussi à s’extraire in extrémis de son bateau écrasé en sandwich entre le quai et une barge à la dérive…
On peut limiter les effets de la malveillance en sécurisant d’une façon ou d’une autre son amarrage à quai de ce point de vue.
……
La crue est un vrai problème pour les « gens d’à terre », mais pour les habitants du fleuve, il s’y ajoute bien d’autres difficultés qu’ils doivent anticiper dans la mesure du possible.