Auteur : Eric Gallais 27 Janvier 2015
Il est surprenant de voir avec quelle facilité les « gens du canoë » ou du kayak acquièrent une bonne maîtrise de la conduite d’un automoteur de 38.5m de long en peu de temps.
Ce qui tendrait à laisser penser que conduire une péniche ou naviguer en canoë, c’est, peu ou prou, la même chose.
Mais en quoi cette affirmation a-t-elle un sens ?
La première compétence d’un céiste ou d’un kayakiste c’est la capacité à « lire » la rivière.
« Lire » signifie la capacité à établir en permanence une cartographie du champ de vecteurs constitué par la vitesse du courant en différents points de la rivière : courant fort, courant faible, contre-courants, courants traversiers, tourbillons.
Les zones de tourbillons se situent le plus souvent à l’interface entre deux zones de courant de valeur différente (voire de sens contraire). La maîtrise de cette capacité de lecture est vitale car elle permet au kayakiste de se mettre en situation de repos avant ou après une période de baston, d’éviter de se laisser entrainer sous un rocher ou dans un « rappel » qui peut être fatal.
La deuxième compétence consiste à être capable d’utiliser ces courants pour exécuter différentes manœuvres :
Doser la force exercée sur la pagaie pour maintenir le bateau immobile par rapport au sol, ou au contraire, le déplacer dans une direction ou une autre.
Faire un « bac » : le nez du bateau est face au courant. Si on donne une impulsion suffisante avec la pagaie, le bateau reste sur place. Si on oriente le nez du bateau légèrement vers la droite, le bateau e déplace vers la droite. Et ce d’autant plus rapidement que l’angle est important. C’est ce que les kayakistes appellent un « bac ». Cette manœuvre permet de traverser une rivière sans se laisser déporter par le courant.
Faire un « bac arrière » : la manœuvre est similaire mais c’est l’arrière du bateau qui est face au courant, donc pagayage en marche arrière. Suivant l’angle donné au bateau par rapport au courant on effectue un bac arrière dans un sens ou dans l’autre.
Stop contre-courant : cette manœuvre consiste à utiliser un contre-courant souvent présent en aval d’un obstacle, pour y engager le nez de l’embarcation et la soumettre ainsi à un couple de rotation qui à mettre le bateau avalant face au courant avec un minimum d’efforts.
Pour la conduite d’une péniche, l’ensemble de ces techniques est mis en œuvre :
En faisant le « canard » devant une écluse que ce soit « montant ou avalant »
En accostant à un quai, face au courant, pour rapprocher le bateau du quai, en douceur, en effectuant un bac avant.
Quand, avalant, en attente d’une écluse, on décide rapprocher le bateau du quai pour s’y amarrer, on effectue un bac arrière.
Lors d’un demi tour en rivière, bateau avalant, si on peut mettre le nez de la péniche dans un contre-courant existant dans l’aval d’une île ou d’une pile de pont, la manœuvre s’effectue quasiment d’elle-même, avec un appui minimal du moteur. C’est précisément la technique du « stop contre-courant ».
Toutes ces manœuvres ne sont possibles que si le pilote de la péniche développe préalablement cette capacité de lecture de la rivière comme le font nos amis du canoë-kayak.
Oui Eric, tu as raison les “céistes” ont certainement des aptitudes pour lire la rivière et, se rapprocher de la technique des anciens mariniers.
C’est vrai que la ” remonte” nécessitait une pratique et, une connaissance de la rivière pour économiser son moteur et surtout pour passer les ponts, c’est ainsi que l’on entendait: j’ai pris l’Aï ( ou l’haïe, à prononcer Ahi ) c’est à dire le contre courant des piles ou le contre d’une courbe.
On entendait encore ce pont est très lourd ( sous entendu le courant tire beaucoup )
Je me souviens de la lecture avide que je faisais du Guide de Navigation Intérieure de chez Berger Levrault, de vrais “instructions nautiques” des fleuves et canaux qui sont aujourd’hui une mine de détails pour l’archéologie industrielle fluviale.
Je me souviens des “trucs et astuces” appris des anciens, comme pour faire une meilleure entrée dans l’écluse de Vaires sur Marne avalant, ou il fallait piquer sur la sortie de la centrale EDF qui crachait 10 à 15 m3 d’eau chaude pour se laisser glisser
naturellement vers le sas ou tel haut fond qu’il fallait éviter…
Je me souviens des moments de vacances ( Chômages ) passées avec des amis mariniers, ou l’ont partait pêcher au carelet de nuit en bachot pour attraper une friture de gardons, et ces concours de surliures sur nos cordages usés et bien sûre des BBQ mémorables ou on ne buvait pas que de l’eau douce…